© Château Ramezay - Musée et site historique de Montréal, photo : Michel Pinault

 

LE CHÂTEAU RAMEZAY AU COEUR DE LA RÉVOLUTION AMÉRICAINE À MONTRÉAL 


 

LES BOSTONNAIS ARRIVENT!

Le Château Ramezay a été au coeur des évènements de la révolution américaine survenus en sol canadien. En effet, de novembre 1775 à juin 1776, le Château fut le Quartier général de l'Armée continentale des États-Unis et le célèbre Benjamin Franklin fut accueilli en ses murs à titre de délégué du Congrès venu tenter de convaincre les Canadiens de joindre la cause révolutionnaire.

À l'aube du 250e anniversaire de cet évènement historique majeur, le Château Ramezay est fier d'annoncer qu'il présentera en 2025-2026 une exposition temporaire spéciale ainsi qu'une série d'activités d'animation. C'est un rendez-vous, sous le thème « Montréal, America 250 »! Suivez-nous d'ici là afin de tout savoir sur ce qui se trame ici et aux États-Unis dans le cadre de ces commémorations.

Nous vous invitons pour l'instant à mieux vous documenter sur cet évènement de l'histoire canado-américaine en prenant connaissance du contenu web ci-dessous.

À noter que le Château Ramezay est reconnu par les Daughters of the American Revolution comme lieu d'importance dans la guerre d'indépendance des États-Unis.

LA VOCATION DU CHÂTEAU RAMEZAY AU MOMENT DE L'INVASION

Depuis sa construction en 1705, le Château Ramezay est un lieu associé au pouvoir; d’abord administratif, puis commercial. Bâti en tant que résidence privée pour Claude de Ramezay, gouverneur de Montréal, le Château a par la suite accueilli les intendants de la Nouvelle-France lors de leur passage dans la ville. La Compagnie des Indes, responsable du commerce des fourrures sur le continent, y a installé ses bureaux de 1745 à 1760. Après la conquête de la Nouvelle-France, le Château Ramezay s’est trouvé à nouveau au centre des évènements politiques lors de l’invasion américaine de 1775-1776.

LA RAISON DE L'INVASION

Au printemps 1775, Guy Carleton, gouverneur général de la nouvelle colonie britannique, est informé d’un projet d’invasion de la Province of Quebec par les Colonies-Unies. Les Treize colonies américaines étaient alors en rébellion contre leur métropole britannique : elles refusaient de se voir imposer le paiement de taxes décrétées par le parlement de Londres, au sein duquel elles n’avaient pas de représentants. Craignant que les habitants de la Province of Quebec soient mis à contribution afin de seconder les troupes anglaises et de mater le mouvement de rébellion, le Congrès continental des futurs États-Unis d’Amérique décide de convaincre les Canadiens de se joindre à leur insurrection.

L'OCCUPATION DU CHÂTEAU RAMEZAY AU COURS DE L'INVASION : LE FIL DES ÉVÉNEMENTS

26 mai 1775 -  Guy Carleton s’installe au Château Ramezay afin d’y diriger les opérations visant à contrer les mouvements des rebelles.

11 novembre 1775 -  L’avancée des troupes du Congrès continental force le gouverneur général à quitter Montréal afin de se réfugier à Québec.

13 novembre 1775 - À la suite de la capitulation de Montréal, le brigadier général Richard Montgomery fait du Château Ramezay son quartier général de campagne. En occupant le lieu de résidence des autorités politiques de la Province of Quebec, les troupes d’invasion s’approprient un des principaux symboles du pouvoir britannique.

28 novembre 1775 - Montgomery prend la direction de Québec afin d’y rejoindre les troupes de Benedict Arnold qui encerclent la capitale depuis le 16 novembre. Dès lors, et jusqu’au 27 mars 1776, le Château Ramezay sera le centre de commandement du brigadier général David Wooster.

3 avril 1776 - Le Château Ramezay passe sous la responsabilité du colonel Moses Hazen, un résident de la Province of Quebec en charge du Second régiment de combattants canadiens qui se sont joints aux troupes du Congrès continental.

Mi-avril 1776 - Le gouvernement militaire de Montréal incombe désormais au brigadier général Benedict Arnold.

29 avril 1776 - Benedict Arnold accueille au Château Ramezay trois émissaires du Congrès continental Benjamin Franklin, Samuel Chase et Charles Carroll of Carrollton. Ce dernier décrira l’événement dans son journal: « Lors de notre débarquement, nous avons été accueillis par le général Arnold de la manière la plus courtoise et amicale,et conduits aux quartiers généraux où s’était assemblée une société de femmes et de gentilshommes de distinction. Comme nous allions de notre lieu de débarquement vers la maison du général, le canon de la citadelle a tonné en notre honneur en tant que commissaires du Congrès » Hébergés chez Thomas Walker, un des plus ardents partisans canadiens des Colonies-Unies, ces derniers ont vaqué à leurs occupations au Château.

6 mai 1776 - Fleury Mesplet arrive à Montréal. Le Congrès continental a défrayé le transport de ses presses en direction de Montréal afin d’y installer une imprimerie au service de la cause des colonies. La tradition veut que Mesplet ait entreposé son équipement dans les voûtes du Château Ramezay.

11 mai 1776 - Benjamin Franklin quitte Montréal sans avoir obtenu le succès escompté. Il déclare qu’il aurait été plus facile d’acheter le Canada que de rallier les Canadiens à la cause américaine!

29 mai 1776 - La retraite des troupes du Congrès continental pousse Chase et Carroll of Carrollton à se reprendre la direction Colonies-Unies.

15 juin 1776 - L’approche des forces britanniques oblige Benedict Arnold à quitter le Château Ramezay: l’Armée continentale abandonne Montréal. Le jour même, le gouverneur Carleton et ses troupes réintègrent la ville.

L'HÉRITAGE DE L'INVASION 

L’Acte de Québec de 1775 avait rétabli les droits du clergé catholique et les lois civiles françaises garantissant l’autorité et les revenus des seigneurs. Ce faisant, la métropole britannique cherchait à s’assurer la loyauté des élites francophones de la Province of Quebec. Mais les agriculteurs et les artisans pouvaient difficilement accepter de renouer ainsi avec des obligations héritées du Régime français, les contraignant à faire des corvées pour les seigneurs et à payer la dîme au curé. Aussi ce « petit peuple » a-t-il activement soutenu les troupes rebelles tant que la possibilité d’une victoire des forces des Colonies-Unies a pu leur faire espérer d’éviter d’être de nouveau soumis à leur élite clérico-seigneuriale. Cependant, aussitôt que l’entreprise des insurgés leur est apparue vouée à l’échec, les Canadiens ont dû docilement se résoudre à accepter le rétablissement des pouvoirs de leurs autorités traditionnelles. 

L’échec de l’invasion a donc contribué à la consolidation du pouvoir clérical et seigneurial. Mais la propagande des Treize colonies a familiarisé les habitants de la Province of Quebec avec le principe politique de la représentation parlementaire : l’adoption de l’Acte constitutionnel de 1791, qui instaurera notamment le parlement du Bas-Canada, sera une conséquence de l’introduction des idéaux des Colonies-Unies au sein de la population canadienne. Et Montréal doit au Congrès continental la création du premier journal de la ville : demeurant sur place après le départ des forces d’invasion, l’imprimeur Fleury Mesplet sera le fondateur, en 1778, de la Gazette Littéraire : l’ancêtre de The Montreal Gazette.

BENJAMIN FRANKLIN (1706-1790)

Au moment de l’invasion de la Province of Quebec, Benjamin Franklin devait à sa déjà longue et fructueuse carrière de journaliste, d’inventeur et d’homme politique, d’être considéré comme une des figures les plus influentes du XVIIIe siècle : le siècle des Lumières.

Au début de 1776, les Colonies-Unies constatent que leur projet d’associer la Province of Quebec à leur mouvement de rébellion contre l’autorité britannique risque de se conclure par un échec. Le 15 février, le Congrès continental mandate trois émissaires au Canada afin d’y analyser la situation et de proposer des solutions aux difficultés qu’y éprouve l’Armée continentale.

Deux de ces mandataires, Samuel Chase et Charles Carroll of Carrollton, sont choisis à cause de leur connaissance de la langue française et de leur familiarité avec la religion catholique. Benjamin Franklin sait lui aussi s’exprimer en français, mais il s’agit surtout d’une personnalité de réputation internationale, que les Colonies-Unies considèrent comme l’incarnation même de leurs idéaux politiques. La présence d’un homme d’une pareille renommée parmi ses envoyés signale l’importance que le Congrès accorde à la mission qu’il leur confie.

Les émissaires arrivent à Montréal le 29 avril 1776. Au cours des jours suivants, Franklin et ses collègues participent, au Château Ramezay, à des rencontres dont ils rendent compte au Congrès continental dans une série de rapports alarmants.

Alors que Chase et Carroll of Carrollton demeureront en poste jusqu’au 29 mai, Franklin reprend la route en direction des Colonies-Unies dès le 11 mai. Le grand homme avait déjà 70 ans et son état de santé semble avoir contribué à précipiter son rapatriement. Mais sans doute voulait-on surtout éviter au plus célèbre des Américains de l’époque le moindre risque d’être fait prisonnier par les troupes britanniques déjà en marche en direction de Montréal.

BENEDICT ARNOLD (1742-1801)

L’invasion de la Province of Quebec par les Colonies-Unies a commencé et s’est terminée sous les ordres de Benedict Arnold. Le 17 mai 1775, il a été le premier officier rebelle à commander une incursion en sol canadien afin de s’emparer des munitions britanniques du fort de Saint-Jean-sur-Richelieu.

En septembre 1775, Richard Montgomery et l’Armée continentale commencent leur avancée en territoire canadien par la vallée du Richelieu. Parallèlement, Arnold commande une opération secrète et périlleuse: la pénétration de la Province of Quebec par les rivières Kennebec et Chaudière. Le 8 novembre, après un mois de marche exténuante dans les bois du Maine et deux semaines le long de la Chaudière, pendant lesquelles il bénéficie de l’aide des Canadiens de la région, Arnold et ses hommes surgissent devant Québec. 

Le 2 décembre, Montgomery et ses troupes rejoignent celles d’Arnold : la capitale est encerclée. Le 31 décembre, les forces d’invasion tentent un assaut. L’opération est un échec : Montgomery est tué et Arnold est blessé au cours du combat.

En avril 1776, Arnold est chargé du commandement de la garnison de Montréal. Il accueille au Château Ramezay les trois émissaires du Congrès continental et dirige plusieurs opérations militaires visant à contrer l’avance des troupes britanniques. Le 15 juin, il doit se résoudre à abandonner la ville. Talonné par les forces ennemies, ses troupes remontent le Richelieu et rejoignent le territoire des Colonies-Unies le 26 juin.

Par la suite, les nombreuses victoires d’Arnold, dont celle du 17 octobre 1777, à Saratoga, font de lui une des principales figures de la guerre d’Indépendance. Mais trois ans plus tard, en septembre 1780, considérant que le Congrès ne reconnaît pas ses talents militaires à leur juste valeur, Arnold fait défection et rejoint les forces britanniques. Il devient dès lors l’incarnation du traître à la cause des Colonies-Unies.

RICHARD MONTGOMERY (1738-1775)

Les ancêtres de Richard Montgomery étaient des protestants qui avaient quitté la France à la fin du XVIe siècle afin de fuir les persécutions religieuses. Sa famille célébrait ses origines en perpétuant la pratique de la langue française, que Montgomery parlait avec aisance.

Officier britannique, Richard Montgomery a participé aux combats de la guerre de Sept Ans en Amérique, notamment à ceux qui ont conduit à la capitulation de Montréal le 8 septembre 1760. En 1772, il s’établit dans l’État de New York où il s’associe au parti rebelle. Lorsque le Congrès continental décide d’envahir la Province of Quebec, son expérience militaire et sa connaissance de la région lui valent le commandement des troupes qui pénètrent en territoire canadien le 4 septembre 1775.

Le 20 octobre, les forces de Montgomery s’emparent du fort de Chambly. Le fort de Saint-Jean tombe le 3 novembre. Le 12 novembre, Montréal capitule et le lendemain, Montgomery installe son quartier général de campagne au Château Ramezay. Le 2 décembre, il rejoint les troupes de Benedict Arnold aux abords de Québec : les forces des Colonies-Unies encerclent la capitale. 

Le 31 décembre, à l’aube, au cours d’une tempête de neige, l’Armée continentale tente de s’emparer de Québec. Montgomery marche en tête d’un détachement : il est tué par le premier coup de canon britannique. Les forces rebelles perdent leur principal chef et, du même coup, le soutien de la population canadienne-française, qui avait appris à faire confiance à Montgomery : l’invasion de la Province of Quebec est dès lors vouée à l’échec.

Montgomery et Guy Carleton, le gouverneur général de la colonie, avaient servis ensemble lors de la guerre de Sept Ans. Alors que les soldats rebelles tombés au cours du combat seront enterrés dans une fosse commune, Carleton ordonne que son ancien collègue soit inhumé dans un cercueil, avec les honneurs militaires. Les restes de Richard Montgomery seront rapatriés aux États-Unis en 1818.

BIBLIOGRAPHIE

Sur l’invasion de 1775-1776 :  

Pierre MONETTE, Rendez-vous manqué avec la révolution américaine. Les adresses aux habitants de la province de Québec diffusées à l’occasion de l’invasion américaine de 1775-1776. Avec la collaboration de Bernard Andrès et d’une équipe du groupe de recherche ALAQ. Montréal, Québec Amérique, 2007.

Sélection d’autres parutions :

Pierre MONETTE, St. John de Crèvecœur et les Lettres d’un fermier américain. Lettres d’un fermier américain (1782) et « Description d’une tempête de neige au Canada » (c. 1780) : traductions précédées d’une présentation et suivies d’une étude jetant de nouvelles lumières sur le séjour de St. John de Crèvecœur en Nouvelle-France et les échos de cette expérience dans l’ensemble de son œuvre. Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, coll. L’Archive littéraire au Québec, série Monuments, 2009.

- Dernier automne. Récit. Montréal, Boréal, 2004— Finaliste, Grand Prix du livre de la Ville de Montréal, 

- « Une utopie problématique : les Letters from an American Farmer de St. John de Crèvecœur». Dans Utopies en Canada (1545-1845), Bernard Andrès et Nancy Desjardins, dir. Figura, Textes et imaginaires ,no 3, 2001

- « Yankees manqués: esquisse d’un questionnement sur le devenir-américain de la culture québécoise ». Dans L’identitaire etle littéraire dans les Amériques, Bernard Andrès et Zilá Bernd, dir. Québec, Nota Bene, 1999.

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