© Château Ramezay - Musée et site historique de Montréal, photo : Michel Pinault

 

Le Château Ramezay : toute une histoire!


 

Ligne du temps

 

1685 : Claude de Ramezay (1657-1724), issu de la noblesse française, arrive au Canada à titre de lieutenant dans les troupes de la marine. En 1690, il épouse Marie-Charlotte Denys de la Ronde (1668-1742), fille d’une des familles bien en vue de la colonie. 

1704 : Nommé gouverneur de Montréal, Claude de Ramezay acquiert un emplacement sur la rue Notre-Dame, sur le coteau qui surplombe la ville fortifiée. Avec 1500 habitants et 200 maisons, Montréal est alors la deuxième ville la plus importante de la colonie. 
 
27 avril 1705 : Monsieur de Ramezay engage Pierre Coutrier dit Le Bourguignon, maître maçon et architecte, pour construire une maison à trois étages, mesurant 66 pieds sur 26 (21 mètres sur 12). Ses murs auront 3,5 pieds (1,1 mètre) de large aux fondations et elle comportera quatre cheminées.
 
1706 : La maison est achevée au printemps. Avec ses moellons crépis et sa jolie pente de toit, monsieur de Ramezay la considère comme la plus belle en Canada. Il l’habite avec les membres de sa famille jusqu’à son décès en 1724. La maison est entourée d’un jardin et d’un verger. Dans la cour avant se trouvent une glacière, une écurie et une remise à carrosse. 
 
1727 : La veuve de Ramezay loue la demeure à l’intendant de la colonie. Gilles Hocquart y séjourne ainsi ponctuellement de 1730 à la vente de la propriété. 
 
1745 : Héritant de la propriété au décès de leur mère en 1742, les enfants de Ramezay la vendent à la Compagnie des Indes, qui en fait son principal lieu d’affaire dans la colonie. La rue Saint-Claude est percée entre le Château et la résidence de Jean-Baptiste-Nicolas-Roch, fils de Ramezay.
 
1756 : La Compagnie des Indes augmente d’un tiers la superficie du bâtiment pour lui donner les dimensions qu’on lui connait aujourd’hui.
 
1764 : Suite à la conquête britannique, le marchand montréalais William Grant achète la propriété et l’utilise comme lieu de commerce. 
 
1773 : Grant loue la propriété au gouvernement britannique, qui en fait la résidence officielle du gouvernement de la Province de Québec. 
 
1775 : Le Château Ramezay sert de quartier-général à l’armée révolutionnaire américaine qui envahit Montréal. Richard Montgomery, Benedict Arnold, Benjamin Franklin, Samuel Chase et Charles Caroll vont y travailler. Les Américains quittent les lieux au printemps 1776, à l’arrivée de renforts britanniques.
 
1778 : Le gouvernement britannique acquiert la propriété pour en faire la résidence occasionnelle du gouverneur général de la colonie. Guy Carleton, premier baron Dorchester, y séjourne en 1793. George Prevost en 1813-1814, Matthew Whitworth-Aylmer en 1831-1832 et James-Bruce Elgin en fait son bureau de 1847 à l’incendie du parlement en 1849.
 
1848 : Pour répondre aux besoins administratifs du gouverneur, on ajoute à l’est du Château une première annexe en brique.

1849 : La cour est transférée au Château Ramezay jusqu’à l’inauguration du nouveau Palais de Justice en 1856.
 
25 avril 1849 : Le Parlement du Canada-Uni est incendié par des Tories qui protestent contre une loi indemnisant les habitants du Bas-Canada ayant subi des pertes pendant les rébellions de 1837-1838. Lorsque Montréal perd son statut de capitale au profit de Toronto et Québec (en alternance), le Château Ramezay cesse d’être une résidence officielle. 
 
1856 : Le ministère de l’Instruction publique du Québec s’installe au Château. En 1857, l’École Normale Jacques-Cartier, qui forme des instituteurs laïcs, en fait autant. En 1867, le ministère est rapatrié à Québec. L’École occupe tout le bâtiment ainsi qu’une nouvelle et imposante aile le long de la rue Saint-Claude, et ce jusqu’à son déménagement au parc Lafontaine en 1878.
 
1862 : La Société d’archéologie et de numismatique de Montréal est fondée par un groupe de passionnés proche de la Société historique de Montréal. Caractérisée par sa volonté de bilinguisme et de biculturalisme, elle se donne pour mandat la promotion de la numismatique et de la recherche « antiquaire », ainsi que la constitution d’une collection de monnaies, de médailles et d’antiquités. Elle s’intéresse aussi à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine montréalais. 
 
1879 : La Faculté de médecine de l’Université Laval à Montréal s’installe au Château Ramezay. Les cours sont donnés dans l’aile en brique. En 1882, la Faculté de droit la rejoint. Les deux quittent les lieux en 1889. 
 
1887 : La Société d’archéologie et de numismatique souligne son 25e anniversaire par une exposition de portraits historiques, de gravures et d’objets anciens accompagnée d’un catalogue couvrant l’histoire du Québec des origines à 1840. 

1891 : En prévision du 250e anniversaire de la fondation de Montréal, la Société d’archéologie et de numismatique installe soixante-quinze plaques historiques sur des édifices et des lieux marquants de de l’histoire de la ville. La même année, la Société forme un comité sauvegarde du Château Ramezay. Ses membres multiplient les démarches auprès du Gouvernement du Québec, qui en est propriétaire, et des autorités municipales. 
 
1892 : Dans le cadre du 250e anniversaire de la fondation de Montréal, la Société d’archéologie et de numismatique organise une exposition « d’antiquités canadiennes » sur le terrai de l’exposition provinciale. On y trouve des portraits, des reliques autochtones, des plans, des documents, des autographes, des sceaux, des livres et imprimés canadiens, des médailles et des monnaies, de l’argenterie, des porcelaines, des drapeaux, des armes, des uniformes et des costumes du régime français. 
 
1893 : Sur le point d’être vendu aux enchères publiques par le gouvernement du Québec, le Château Ramezay est menacé de démolition. La Société d’archéologie et de numismatique exerce des pressions et convainc la Ville de Montréal d’en faire l’acquisition pour le préserver, s’engageant en contrepartie à y installer un musée d’histoire. 
 
1er mai 1895 : Le musée ouvre ses portes au public. 
 
9 avril 1896 : Le musée d’histoire, la galerie nationale de portraits et la bibliothèque publique sont officiellement inaugurés en présence de la bonne société montréalaise. 
 
1903 : L’aile en brique située à l’est subit une démolition partielle. L’annexe qui en reste est agrémentée de deux tours à ses extrémités.
 
1929 : La Société d’archéologie et de numismatique devient propriétaire du Château Ramezay en échange d’un don de 10 000 livres à la bibliothèque municipale. La même année, le Château Ramezay est le premier édifice classé par la Commission des monuments historiques de la Province de Québec. 
 
1932 : Malgré l’opposition de la Société d’archéologie et de numismatique, le tunnel Gosford est construit sous le Château. 
 
1949 : Le Lieu historique du Canada du Château-De-Ramezay/Maison-des-Indes est reconnu par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. 
 
1956 : Un stationnement étagé est construit à l’ouest et au sud du Château Ramezay. 
 
1978 : Le Musée reçoit son accréditation du ministère des Affaires culturelles du Québec.
 
1997 : Le stationnement qui occupe la place De La Dauversière depuis 1956 est démoli et l’endroit est aménagé en espace public. Le tunnel Gosford est fermé. 
 
2000 : Inauguration du Jardin du Gouverneur dans la cour arrière du Château. Du domaine original du 4 200 m2, il reste un espace de 750 m2 où se déploie un jardin à la française évoquant celui du gouverneur de Ramezay, qui comprenait un verger, un potager et un jardin ornemental. 

2010 : Le Château Ramezay – Musée et site historique de Montréal est sélectionné parmi les « 1001 sites historiques qu’il faut avoir vus dans sa vie ». 
 
2012 : La Société d’archéologie et de numismatique de Montréal, composée de Montréalais et de Montréalaises provenant de divers milieux, célèbre son 150e anniversaire. 
 

 

 

Toute une histoire... en détail!


 

« La plus belle maison en Canada »

En 1705, Claude de Ramezay, nouveau Gouverneur de Montréal, décide de se faire construire, sur le coteau qui surplombe la petite bourgade fortifiée, une résidence à la hauteur de son statut social. Cet édifice imposant, en pierre (alors que la majorité des autres constructions sont de bois), est sans doute dès le départ appelé « Château » étant donné la pratique de l’époque de désigner ainsi la résidence d’un gouverneur. Ramezay n’est pas peu fier de sa demeure, et écrit même au Roi qu’il a « sans contredit fait construire la plus belle maison en Canada ». De plus, comme il se doit pour un tel « hôtel particulier », celle-ci est agrémentée d’un vaste jardin, incluant un verger d’une superficie de près de 4 000 mètres carrés.

À la suite du décès de Claude de Ramezay en 1724, le Château sert à diverses fonctions au fil du temps, accueille un grand nombre de personnages historiques et est ainsi témoin de plusieurs grands moments de notre histoire. Tout d’abord, Madame de Ramezay le loue, comme « pied-à-terre » montréalais, à l’Intendant de la Nouvelle-France, nommément Gilles Hocquart. Madame décède en 1742 et ses héritiers vendent la maison à la Compagnie des Indes, détentrice du monopole du commerce du castor, qui en fait son bureau principal dans la colonie et y héberge son agent général. La Compagnie réalise des travaux d’agrandissement du Château en 1756 pour donner au corps du bâtiment les dimensions qu’on lui connaît aujourd’hui.

LE CHÂTEAU RAMEZAY : LIEU DE POUVOIR

En 1764, le marchand William Grant en fait l’acquisition. À compter de 1773, il loue l’édifice au gouvernement britannique, comme résidence du gouverneur, qui l’achète en 1778. Le Château, vraisemblablement symbole de « lieu de pouvoir », est d’ailleurs choisi par l’Armée continentale des États-Unis d’Amérique comme quartier général durant son occupation de la ville de novembre 1775 à juin 1776 ; épisode pendant lequel il voit notamment Richard Montgomery, Benedict Arnold et Benjamin Franklin franchir sa porte. Au cours de toutes ces années, de nombreux gouverneurs et hauts dirigeants britanniques se succèdent sous son toit, jusqu’en 1849, alors que Lord Elgin y a ses bureaux. Cette année-là, des manifestants incendient l’édifice du Parlement du Canada-Uni et Montréal perd par la suite son statut de capitale. Cet événement marque la fin d’une époque pour le Château dorénavant utilisé à d’autres fins. Tout d’abord, on y loge le Palais de justice du District de Montréal jusqu’en 1855 (pendant la construction du nouveau palais de justice, aujourd’hui connu sous le nom de Vieux palais de justice). Le bureau d’Éducation du gouvernement du Québec, qui devient le Conseil de l’instruction publique, s’y installe en 1856, avec Pierre-Joseph-Olivier Chauveau à sa tête, et l’École normale Jacques-Cartier y ouvre ses portes l’année suivante. En 1879, la Faculté de médecine de l’Université Laval à Montréal, et la Faculté de droit, en 1882, y offrent leur formation jusqu’en 1889. Par la suite, jusqu’en 1892, la Cour de magistrats y siège pendant les travaux d’agrandissement du palais de justice voisin. 

 

SAUVEGARDE DU PATRIMOINE ET CRÉATION D’UN MUSÉE : LES CITOYENS S’IMPLIQUENT

C’est au cours de ces années qu’entre en jeu notre organisme, connu sous le nom de Société d’archéologie et de numismatique de Montréal. Fondée en 1862 par un groupe de Montréalais, exceptionnellement issus des communautés francophone et anglophone, les membres de cette « société savante », phénomène d’une sociabilité bourgeoise propre à l’époque, partagent un intérêt pour notre patrimoine et se consacrent bénévolement à son étude, à sa conservation et à sa mise en valeur. Leurs activités sont typiques de ce genre d’organisation : ils se rencontrent pour discuter de leur passion, présentent des conférences, publient un périodique (The Canadian Antiquarian and Numismatic Journal), constituent une collection et réalisent des expositions. Ils forment même un groupe de pression qui recommande des interventions de préservation face à certains témoins de notre passé qui sont alors menacés. Dans cette même veine, ils entreprennent en 1892 l’installation des premières plaques historiques sur des édifices et des sites à Montréal à l’occasion du 250e anniversaire de fondation de la ville.

D’ailleurs, l’année précédente, ils avaient formé un comité qui avait pour mission de travailler à la sauvegarde du Château Ramezay en vue d’y installer un musée d’histoire et une bibliothèque. Malgré leurs démarches auprès du Gouvernement du Québec, alors propriétaire de l’immeuble, ce dernier, souhaitant se départir de ce vieil édifice, annonce au printemps 1893 qu’il sera vendu aux enchères le 24 octobre.

Devant la menace de voir ainsi disparaître le Château Ramezay sous le pic des démolisseurs au profit de promoteurs et face à l’indifférence des autorités gouvernementales, la Société décide d’ameuter l’opinion publique. L’assemblée de citoyens tenue le 17 octobre à la requête de la Société entraîne la convocation à une réunion spéciale du Conseil de Ville le 23, la veille de la vente. Une pétition, signée par 2 000 personnes, y est déposée. La Société demande à la Ville d’acheter l’édifice, en échange de quoi elle s’engage à y installer un musée et une bibliothèque. Voici un extrait des propos d’un membre de la Société (George Hague) tenus lors de cette assemblée et cités par un journaliste :

« ... the building could be made the repository of those mementos which develop a patriotic spirit in the coming generation that would be of great good to the country as a whole. He hoped that in some way or other the property would be secured, and it would become the center of an historical museum which would be the pride of Montréal. »

[Cet édifice pourrait devenir l’écrin de ces souvenirs qui insuffleront un élan patriotique aux générations futures, pour le plus grand bien de l’ensemble du pays. Il souhaitait, de toute façon, la conservation de cet édifice qui deviendrait le site d’un musée historique qui deviendra, et pour Montréal, une source de fierté.]

Ses propos illustrent bien la vision de la Société avec ce projet. 

Finalement, la proposition est entérinée par la Ville et le lendemain, cette dernière procède à l’acquisition du « vieux » Château, préservant ainsi in extremis ce précieux édifice. Comme prévu, la Société s’active à réaliser ses plans et le Château ouvre ses portes au public le 1er mai 1895 à titre de « musée d’histoire, galerie nationale de portraits et bibliothèque publique », institution qui fait l’objet d’une inauguration officielle en grande pompe le 9 avril 1896. Le lendemain de cet événement, La Presse écrit « Tout ce que Montréal possède de plus distingué s’était donné rendez-vous, hier soir, au vieux château de Ramezay. Nous avons rarement vu réunion plus brillante et soirée plus splendide. »

En 1929, la Société devient propriétaire du Château, en échange de 10 000 livres de sa bibliothèque qu’elle cède à celle de la Ville (aujourd’hui intégrés au corpus de la collection de la Grande Bibliothèque). La même année, le Château est le premier édifice à être classé « monument historique » par la Commission des monuments historiques du Québec. 

Évidemment, le Château fera l’objet de divers travaux au cours du 20e siècle : ajout de la tourelle en devanture de son annexe en 1903; retrait de son crépi et recouvrement en cuivre de sa couverture en 1954; installation des boiseries en acajou du 18e siècle dans sa salle dite « de Nantes » en 1976; retrait du cuivre pour une couverture « à la canadienne » en cuivre étamé (imitation de tôle) en 1997 et retour de sa galerie arrière en 2012.
Notons qu’en juin 2000, son environnement immédiat est transformé avec l’inauguration du Jardin du Gouverneur. Évocation esthétique et didactique d’un jardin urbain typique de la Nouvelle-France, cet aménagement est l’exemple unique d’une époque révolue. 
 

Aujourd'hui... et demain

De nos jours, la Société, organisme à but non-lucratif et de bienfaisance, est encore propriétaire du Château et de la collection qu’elle a constituée au fil des ans et qui regroupe aujourd’hui plus de 30 000 artefacts (Voir Collections). Elle administre le Musée et regroupe encore des membres, dont une centaine de bénévoles. L’institution, « musée agréé » par le Gouvernement du Québec, est la plus ancienne du genre dans la province et parmi les plus anciennes au Canada. Un groupe d’experts, en collaboration avec l’UNESCO, l’a même sélectionnée comme « Un des 1001 sites historiques qu’il faut avoir vus dans sa vie », alors que Tourisme Québec l’a choisie au sein des 10 musées incontournables au Québec.

Ainsi, au cœur du Vieux-Montréal, se trouve un bâtiment d’exception, témoin de notre histoire et animé par toutes ces Montréalaises et tous ces Montréalais qui, regroupés en association, assurent la pérennité de l’âme du lieu et de notre communauté.